Sous l’égide de l’Académie des Sciences, nouvellement créée par Colbert, la commission Jaugeon entame, à partir de 1693, une nomenclature des arts et métiers en commençant par l’imprimerie et la création des caractères, « l’art qui contient tous les autres» selon ses propres termes.

Cette vaste étude entend satisfaire le désir de Louis XIV de se doter d’un style propre à son règne et de disposer de types royaux, comme François Ier (selon les historiens du temps). Les membres de la commission consultent les plus beaux ouvrages, les manuels théoriques qui font autorité, ainsi que maints recueils et épreuves de caractères, recensant ce qui s’est fait de mieux depuis les origines de l’imprimerie. L’objectif est de déterminer de quelle manière ont été « construits» les caractères les plus réputés.

Le Romain du Roi constitue une nouvelle typographie destinée à restaurer l’hégémonie française.

À cet égard, le Garamond fait évidemment l’objet de toutes les attentions. Toutefois, il ne s’agit pas de le reproduire ou même de l’interpréter, mais de le parfaire « scientifiquement» pour proposer un autre style de lettre, aussi harmonieux, mais plus rigoureux. La commission établit de nombreux modèles de lettres, reproduits sur des planches gravées sur cuivre, à partir desquelles les graveurs de l’Imprimerie royale, en premier lieu Philippe Grandjean, réalisent un caractère typographique connu depuis sous l’appellation de « Romain du roi ». Son axe vertical et sa construction nettement géométrique, ses contrastes entre pleins et déliés jamais autant accentués jusque-là le distinguent de tous les types antérieurs. Maximilien Vox y verra l’origine d’une nouvelle famille : les réales. Employé pour la première fois dans les Mémoires des principaux événements du règne de Louis le Grand, il est réservé à l’usage de l’Imprimerie royale, mais ses concepteurs le proposent en tant qu’exemple d’une nouvelle typographie destinée à restaurer l’hégémonie française face aux productions hollandaises notamment.