En 1926, la très pointue revue typographique The Fleuron, éditée à Londres par Stanley Morison, publie sous le pseudonyme de Paul Beaujon une étude de Beatrice Warde, conseillère typographique de la société Monotype, « The Garamond Type, Sixteenth and Seventeenth Century Sources Considered » (Les types de Garamond, considération sur les sources des XVIe et XVIIe siècles).

Selon Mme Warde, les poinçons conservés à l’Imprimerie nationale et tenus comme l’œuvre de Garamont sont en réalité les types gravés par Jean Jannon vers 1620. Les poinçons originaux et leur lignée directe sont repérés par elle du côté de la fonderie Le Bé, à Paris, et de la fonderie Egenolff-Berner, à Francfort. Dans cet article, la paternité des « types d’Estienne » est également questionnée. Les connaissances historiques autour des caractères Garamond étaient fondées sur des informations vagues et incomplètes ; cet article permet d’en éclaircir pour partie l’origine. Quant à la méprise de l’Imprimerie nationale, une contribution de Jean Paillard, en 1914, l’avait déjà signalée. Mme Warde en reprend le fil et indique parmi les premiers revivals ceux qui relèvent de l’ascendance de Garamont (le Stempel notamment) et ceux qui se rattachent à celle de Jannon (l’ATF Garamond, etc.).

La paternité du Garamond questionnée.

Les révélations de The Fleuron ne sont pas commentées en France, sauf par le typographe et historien de la lettre lyonnais Marius Audin, qui constate : « Cette pauvre lettre de Garamont est née sous le signe du sphinx ; on ne sait rien d’elle et le peu que l’on croit savoir, on le cache », ajoutant de manière ironique : « Le caractère que l’on voit sortir de temps à autre de l’ombre où le tient l’Imprimerie Nationale et dont l’Édition a plein la bouche, ne serait donc point du tout le Garamont… » (Le Garamont, dit à tort « caractères de l’Université », Paris, Henri Jonquières, 1931).