En France, dès 1914, Georges Peignot, directeur de la fonderie éponyme, et Henri Parmentier, son graveur, entament la réalisation d’un Garamond qui ne sera publié qu’en 1926 par la fonderie Deberny & Peignot.

Basé sur le dessin du caractère proposé en 1900 par l’Imprimerie nationale, il est conçu selon les impératifs d’impression modernes sur papier à base de bois, à la différence des papiers chiffon du XVIe siècle. Marqué par l’Art Nouveau, avec son « a» légèrement sinueux ou son « z» semblant partir vers la gauche, il demeure le Garamond de référence en France durant plusieurs décennies.

Les versions du Garamond de Deberny & Peignot, de la fonderie Stempel, des American Type Founders…

En 1917, les American Type Founders (ATF) présentent une version dessinée par Morris Fuller Benton et Thomas Maitland Cleland. Lesquels se sont appuyés sur les recherches du bibliothécaire et historien de la typographie Henry Lewis Bullen, ainsi que sur le modèle de l’Imprimerie nationale. Initialement conçu pour des usages livresques, il connaît un grand succès, y compris dans des usages pour lesquels a priori il n’était pas destiné, comme la publicité. Sa construction plutôt calme, peu dynamique, s’accompagne de certains tracés de lettres étonnants, comme le « e », plus proche de l’ovale que du rond, ou le « a », dont la boucle inférieure est relativement grande pour un Garamond.

Dans les années 1920, la Fonderie Typographique Française se dote à son tour d’un Garamond, éloigné des productions de ses concurrents ; gras, empâté, il est aussi loin de les égaler. En revanche, la fonderie Stempel, à Francfort, édite en 1925 un Garamond inspiré du spécimen Egenolff-Berner de 1592. Son dessin puissant, solide, assez noir, en fait encore aujourd’hui l’un des plus appréciés par les typographes. Il est relativement « normalisé » dans ses tracés, par rapports à d’autres. On peut particulièrement le constater dans l’italique, dont l’axe d’inclinaison varie peu, surtout en comparaison de celui, virevoletant, du Garamond Deberny & Peignot.

Au début du XXe siècle, la composition manuelle est sérieusement concurrencée par la composition mécanique, dont les fabricants de matériels, Linotype et Monotype, deviennent bientôt des entreprises de fonderie. Regravant à l’usage de leurs machines les caractères du patrimoine, elles se dotent de leurs propres Garamond, répondant aux impératifs de la « composition chaude». En 1921, Lanston Monotype ( États - Unis ) met à disposition du public son Garamond (Series 248), dessiné par Frederic William Goudy et gravé par Robert Wiebking. L’année suivante, une autre série (Series 156) est éditée par la filiale britannique de la même société Monotype. Très différente de celle de Frederic Goudy, elle est basée sur le modèle de l’Imprimerie nationale. Le Garamond Monotype Series 156 deviendra plus tard le Garamond dont tous les ordinateurs personnels sont équipés par défaut.

Les principales versions du Garamond en composition mécanique.

Ample, rond, assez maigre, les différences de ses pleins et déliés sont peu marquées. C’est un caractère qui possède une forte chasse (il prend beaucoup de place en largeur) mais, fidèle à la typographie des XVIe et XVIIe siècles, il possède un italique nettement plus étroit que le romain – c’est l’un des points forts des machines Monotype face à leurs concurrentes Linotype, pour lesquelles romain et italique doivent être de même largeur. C’est le cas du Garamond Nº 3, édité en 1936. Il s’agit en réalité du Garamond ATF de Morris Fuller Benton adapté aux contraintes techniques de la machine Linotype. Outre ces deux grandes fonderies, on peut également citer, en 1922, le Garamond pour machine à composer Ludlow, dessiné par Robert Hunter Middleton. Caractère de labeur, le Garamond est considéré par beaucoup comme éminemment livresque. Malgré l’usage intensif que les typographes ont fait du Garamond pour des travaux moins « nobles» composés sur machine (presse quotidienne ou éditions bon marché), il conserve toujours un peu de l’aura et du prestige de la composition manuelle.