La mise en parallèle de ces images dans trois domaines différents mais sur des périodes historiques comparables, vise à permettre de comprendre que dans ce siècle les courants de pensée mènent dans différents domaines les artistes et artisans à faire évoluer les formes et les goûts autour de sources comparables.

Niveau  : Primaire

Enseignements impliqués : Histoire, géographie, arts, histoire des arts

Pour en savoir plus : Les cathédrales de Villard de Honnecourt / La renaissance

 

L’architecture

Ernst Gombrich rappelle combien à peine les architectes de l’Occident étaient-ils parvenus à voûter leurs églises, que l’idée prit naissance dans le nord de la France du principe du style gothique. Cette apparente simple innovation technique permit de construire une église d’un type tout à fait nouveau : un édifice de pierre et de verre alors inconnu.

La plupart des grandes cathédrales de la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle ont été conçues à une échelle si audacieuse et si magnifique que bien peu ont été achevées selon les plans primitifs. Ces nouvelles cathédrales offraient au croyant une vision terrestre de la Jérusalem céleste, celle des hymnes et des sermons avec ses portes faites, chacune d’une perle, ses joyaux sans prix, ses rues d’or pur et de verre transparente (Apocalypse, XXI).

Au cours de cette période des grandes cathédrales, au XIIIe siècle, la France était le pays le plus riche et le plus puissant de l’Europe. L’Université de Paris était le centre intellectuel du monde occidental. Cependant si la conception et les méthodes des grands bâtisseurs de cathédrales françaises furent largement imitées en Allemagne et en Angleterre; elles ne trouvèrent que peu d’écho en Italie, malgré quelques exceptions comme la cathédrale de Milan. Certaines villes italiennes, comme Venise, étaient en contact étroit avec l’Empire byzantin, et les artistes italiens cherchaient plutôt à Constantinople qu’à Paris exemple et inspiration.

L’architecture illustre la tendance du XIVe siècle du goût, davantage pour le raffinement que pour la grandeur. Le style gothique primitif évolue vers un style au décor plus foisonnant et compliqué rendu possible par le développement du commerce et l’apogée de la prospérité des villes. En Italie, l’idée d’une Renaissance existe alors déjà et ne cessera de se renforcer par la suite. Les italiens n’avaient pas oublié que, la puissance et la gloire de Rome, centre du monde civilisé, s’étaient évanouies avec l’invasion des tribus germaniques. La période intermédiaire avait été un Moyen Âge, au regard de cette renaissance, et cette terminologie est encore employée aujourd’hui. Ils voyaient dans les Goths les destructeurs de l’Empire romain et en vinrent à désigner l’art de cette période comme gothique.

L’art, la science et l’érudition avaient fleuri à l’époque classique, puis avaient été quasi détruits par les barbares du Nord, pour les Italiens du XIVe siècle. Ils pensaient qu’ils leur appartenaient de faire revivre un glorieux passé. Depuis Brunelleschi, l’architecte devait posséder une sorte d’érudition, connaître les règles des « ordres » antiques, les justes proportions des colonnes, et entablements doriques, ioniques et corinthiens. Il devait être familier des ruines antiques et des traités classiques comme celui de Vitruve, codificateur de l’architecture grecque et romaine. Ils « traduisent » alors avant tout un schéma gothique en formes classiques, émoussant l’arc brisé — réputé « barbare ».

Un véritable architecte de la Renaissance avait pour ambition de concevoir un édifice en dehors de toute idée d’utilité. Seule la beauté des proportions de l’harmonie de l’espace intérieur et de la grandeur de l’ensemble lui importaient. Son aspiration à l’unité et à une symétrie parfaite était généralement rendue impossible par les exigences de l’ordre pratique. Donato Bramante avait parfaitement assimilé les principes de l’architecture. Son « Tempietto » que devait entourer un cloître du même style comportent des colonnes doriques surmontées de triglyphes et de métopes et d’une petite coupole. La cella centrale surgissant de l’intérieur du bâtiment confère à l’édifice un caractère inédit tout en employant tout le vocabulaire classique.

La mise en page

La mise en page des livres manuscrits illustre efficacement l’importance, dans l’enseignement médiéval de la glose, de la discussion. Dans tous les domaines de la connaissance le commentaire fait autorité. Les textes de philosophes ou de théologiens sont présentés accompagnés d’arguments opposés, s’appuyant sur la citation d’autres textes se répondant les uns, les autres. Le copiste réunit alors dans une même page le texte sacré et son exégèse, son commentaire, beaucoup plus long. Le texte principal est alors complètement encerclé par la glose, la taille des écritures les distingue et des signes permettent des renvoient de l’un à l’autre. L’ensemble rend la lecture de la page complexe. L’accès au texte et à sa signification nécessite des connaissances au delà de la capacité de lecture première.

Les imprimeurs humanistes sont rompus avant tout à leur métier et soucieux de la présentation et de la qualité matérielle de leurs éditions. À leur époque ils bouleversent la présentation du livre qu’ils rendent plus claire, et accompagnent ce phénomène d’une exigence rigoureuse de correction des éditions précédentes comportant erreurs ou approximations. Dans un premier temps la page d’un incunable copie celle d’un manuscrit et les premiers imprimeurs procèdent par mimétisme formel et reproduisent fidèlement ces gloses marginales. Néanmoins si l’on compare le manuscrit du livre d’Isaïe avec le code de droit canonique on comprend que la mécanisation de l’écriture contraint à des alignements qui procurent déjà une amélioration de la lisibilité. La métamorphose de la page s’opère au fil des courants culturels et de l’amélioration des techniques de typographie et de gravure.

D’autre part les novateurs, partisans de la diffusion d’une pensée laïque vont se saisir de l’imprimerie pour diffuser leurs idées. Ce n’est pas un hasard si le premier livre édité au collège de la Sorbonne en 1470 est un texte d’un humaniste italien. Les humanistes qui prônent le retour aux textes anciens originaux, dégagé de ces commentaires, incitent à de nouvelles éditions et influent pour que des recherches soient menées vers un type de caractère idéal et une présentation plus claire et lisible, au service de la compréhension du texte. Ce dernier voit ses notes reléguées d’abord en bas de page, puis progressivement à la fin du chapitre puis de l’ouvrage. Le texte principal se découpe en lignes plus aérées, se donne à lire désormais dans des marges retrouvées. La page de cet incunable de 1492 présente un texte encore compact mais la typographie est soignée, des titres apparaissent en capitales dans un espace dégagé et permettent de se repérer dans le texte. Son empagement renvoie à des proportions qui rappellent des calculs établis selon le nombre d’or, la suite de Fibonacci ou encore le canon connu sous le nom de « canon de Villard de Honnecourt », architecte français, au cours du XIIIe siècle.

La typographie

L’imprimerie étant dès ses débuts une activité lucrative, il s’agit pour ces pionniers de rentabiliser le coût de l’investissement des machines nécessaires à a reproduction, son apparition ne permet dans un premier temps que de répandre des textes ayant déjà connus un grand succès sous forme de manuscrit. Cette découverte technologique permettra dans un premier temps une amplification de la diffusion et une sélection. Le succès commercial veille à être assuré en déstabilisant le goût de l’époque le moins possible, les premiers incunables sont des fac-similés les plus fidèles possibles des manuscrits, jusque dans les caractères qui reproduisent la lettre de forme la plus employée dans ces ouvrages, caractère de chasse étroite, très régulier, dense et uniforme. Des lignes de texte n’émergent que peu les ascendantes et descendantes des lettres atténuant la lisibilité du texte. Le texte écrit ou imprimé a plus vocation à être un support à la mémoire qu’à être véritablement lu, il est le plus souvent déjà connu par le lecteur.

Avant l’apparition de l’imprimerie, l’Église et l’Université contrôlent déjà rigoureusement la multiplication des écrits, cette attention s’accroît avec l’accélération que le procédé engendre. Les événements politiques et religieux mèneront les imprimeurs à déplacer souvent leurs ateliers. Ces migrations et ce rapport aux formes manuscrites participeront à l’élan des humanistes d’imposer les idées et les formes de l’Antiquité. Le sud de l’Europe a veillé à opposer une résistance tenace aux influences culturelles des peuples venus du nord. Le caractère conçu et employé par Conrad Sweynheim et Arnold Pannartz, seulement quelques années après la diffusion de l’imprimerie par Gutenberg, alors qu’ils ont fui l’Allemagne et se sont réfugiés près de Rome en est une illustration typographique. Ces lettres conservent la densité et l’étroitesse du caractère gothique, cependant les formes des lettres se distinguent davantage les unes des autres. Les m et les n en particulier, comportent des influences de la lettre minuscule humanistique des manuscrits, le o, les b, les d comportent des rondeurs également caractéristiques des modèles calligraphiques employés dans le sud. Les parties hautes et basses des lettres se distinguent davantage de la ligne de texte, les lettres sont davantage détachées les unes des autres dans les mots.

Enfin les formes s’affinent définitivement et se contrastent avec un équilibre parfait entre rondeur et verticalité. Le texte s’est éclairci optiquement. Ces évolutions formelles participent à une mise à disposition auprès des lecteurs de textes à la fois inédits et dégagés de leurs commentaires, livrés à la lecture critique et l’étude du lecteur. Une observation attentive permet également de remarquer la disparition de nombre de ligature et d’abréviation qui complexifiait la lecture. Cet équilibre formel entre mouvement et stabilité renvoie aux canons classiques de l’Antiquité explorés dans l’architecture ou la sculpture.