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Les types grecs
Les types grecs Trois corps différents furent gravés entre 1543 et 1550 : un corps moyen de seize points, dit « gros romain» employé pour la première fois en 1543, un petit corps de neuf points, dit « cicéro », terminé en 1546, un gros corps de vingt points, dit « gros parangon », achevé en 1550.
Le dessin des poinçons suit exactement le modelé de l’écriture d’Ange Vergèce et ses multiples ligatures ; les capitales sont influencées par les caractères romains déjà gravés par Garamont. Une des particularités de ces lettres est l’introduction des accents et des esprits à l’aide de lettres crénées et la virtuosité de Garamont est manifeste dans les ligatures et le traitement des abréviations.
La virtuosité de Garamont est manifeste dans les ligatures et le traitement des abréviations.
Le premier livre imprimé avec les types grecs de Garamont est un alphabet grec publié en 1543, véritable plaquette publicitaire où l’on retrouve toutes les lettres et toutes les ligatures correspondant au premier corps gravé, le corps moyen. Pour chaque nouveau corps gravé, Robert Estienne publie un alphabet : en 1548, pour le cicéro, en 1550 pour le gros parangon.
Tout en répondant à des préoccupations pédagogiques, ces alphabets font connaître la beauté et la variété des nouveaux caractères.
Les types romains
Entre 1530 et 1532, dans les publications d’Estienne apparaissent une série de romains, en capitales et bas de casse, approximativement de corps 40, 16, 13, 10 et 6 points. Entreprise sans précédent dans l’histoire de la lettre imprimée : une telle échelle de corps était inusitée jusque-là et ceux-ci sont parfaitement harmonisés entre eux. Il est peu probable que les « types d’Estienne» qui renouvellent alors l’univers de la typographie aient été gravés par Garamont, encore apprenti à l’époque, et un certain mystère entoure toujours leur paternité.
Très vite, en tout cas, la plupart des imprimeurs et fondeurs de caractères parisiens s’équipent de caractères similaires, Augereau, Gryphe, Colines, Chevallon, en particulier. Claude Garamont, lorsqu’il débute sa carrière de graveur et fondeur de lettres, vers 1536, rejoint le cortège des épigones d’Estienne, se révélant sans doute un des meilleurs interprètes des créations de ce dernier. Entre 1536 et 1559, trente-quatre caractères différents peuvent lui être attribués, parmi lesquels dix-sept romains, sept italiques, huit grecs et deux hébreux. Après une « première taille » de caractères romains dès 1536, la réalisation des romains de la « deuxième taille » s’échelonne entre 1548 et 1561.
Un certain mystère entoure la paternité des romains utilisés dans les publications de Robert Estienne.
Respectant les proportions de la capitale épigraphique romaine et reprenant les principales caractéristiques des types aldins, les « Garamond» romains possèdent des majuscules légèrement plus basses que les ascendantes des bas de casse, et un peu plus étroites que celles auparavant existantes. Ils se singularisent par un axe oblique remonté vers la verticale.
Le « e » minuscule avec sa barre horizontale contraste nettement avec le
« e» humanistique. Mais, la différence réside surtout dans la « couleur » du texte composé. Il apparaît plus aéré, mieux rythmé, plus plaisant et d’une grande régularité au regard. Les « Garamond » romains deviennent les caractères de lecture livresque par excellence et, à bien des égards, le demeurent toujours.
Les italiques
Mis en œuvre à Venise par Alde Manuce, les italiques sont importés en France au début du XVIe siècle. Ils permettent un resserrement des textes, pour des éditions en petit format notamment, et offrent à la composition une vivacité et une élégance inaccoutumées. Simon de Colines est un des premiers en France à les employer et à en graver selon les nouveaux modèles transalpins proposés par Arrighi, à partir de 1520. Robert Estienne utilise les italiques avec parcimonie, se pourvoyant de quelques corps, à partir de 1532, surtout destinés à mieux singulariser le latin du français notamment, et à distinguer les citations du texte courant.
« (Jean de Gagny) me disait que j’aurais de grandes chances de succès, si je pouvais imiter l’italique d’Alde Manuce, d’une façon nouvelle et il ajoutait en outre pour me déterminer un don qui n’était pas une libéralité mesquine. »
Claude Garamont, 1545.
Claude Garamont réalise une série de sept italiques, dont peut-être un destiné à Estienne, dans une large échelle de corps, qu’il commercialise et fait composer dans ses éditions, à partir de 1545. Ses italiques de petit corps sont d’ailleurs les seuls caractères dont il ait fait mention dans ses écrits.
Toutefois, Robert Granjon, à partir de 1542, s’affirme comme le maître du dessin et de la taille de ce style de caractères. Il harmonise parfaitement capitales et bas de casse, alors que longtemps les italiques sont restés dépourvus des premières. Ses créations agrémentent les éditions de poésie de Jean de Tournes, leur conférant un statut inédit face à la prose. Elles sont à l’honneur au sein des nombreux dictionnaires qui, à l’exemple de ceux d’Estienne, accompagnent l’essor humaniste dans la seconde moitié du XVIe siècle. Pour l’imprimerie de Christophe Plantin à Anvers, Granjon réalise des jeux de romains, dont certains repris de Garamont, et perfectionne et complète ses italiques, ce qui le conduit à harmoniser les deux styles. Par la suite, la typographie latine aura coutume de désigner sous une même appellation un caractère comportant romains et italiques étroitement associés