L’aura de Claude Garamont ne doit pas éclipser totalement ses prédécesseurs et ses contemporains. Garamont n’est pas le seul graveur de caractères talentueux de son époque, et ce n’est pas à lui seul que revient le mérite d’avoir modernisé la typographie française.

Entre 1520 et 1531, l’imprimeur Simon de Colines, marié à la veuve d’Henri Ier Estienne, grave une vingtaine de polices de lettres romaines et italiques directement inspirées par les caractères d’Alde Manuce. Il est le chef de file de la première génération de graveurs de lettres parisiens ; c’est probablement lui qui forme la génération suivante, celle d’Augereau et de Garamont. Dans le courant des années 1520, les polices gravées par Simon de Colines commencent ainsi à remplacer ainsi les fontes d’ancien style que les imprimeurs parisiens continuaient à employer.

Ce n’est pas seulement à Claude Garamont que revient le mérite d’avoir modernisé la typographie française.

Formé par Simon de Colines, Antoine Augereau s’installe probablement comme graveur au début des années 1530. Augereau est resté célèbre pour sa fin tragique : accusé d’hérésie à la suite de l’affaire des placards, il meurt sur le bûcher en décembre 1534. Malgré sa brève carrière, il grave plusieurs polices de caractères qui reprennent le dessin des romains d’Alde Manuce, comme l’avait fait Simon de Colines, mais avec un trait beaucoup plus fin. Le Memorandum de Guillaume Le Bé (1643) affirme que c’est chez Antoine Augereau que Claude Garamont a été formé.

Deux autres graveurs directement contemporains de Claude Garamont comptent parmi les meilleurs artisans de leur époque. Pierre Haultin, qui exerce à Paris de 1546 et 1550, fera surtout carrière à Lyon et Genève où, comme nombre d’autres protestants, il se réfugie pour échapper à la répression. Brillant graveur, Haultin met ses talents au service de sa religion, gravant une série de caractères de très petits corps, mais d’une grande lisibilité, destinés à publier des versions calvinistes de la Bible au format de poche ; ces caractères sont une telle réussite qu’ils seront même employés en Italie sur les presses de l’imprimerie vaticane !

Robert Granjon, quant à lui, demeure surtout célèbre pour l’invention des « caractères de civilité », qui reproduisent l’écriture gothique cursive manuscrite. Mais sa plus grande réussite est probablement la gravure d’une trentaine de polices d’italiques qui comptent parmi les plus belles de la Renaissance.