Gardien des matrices des Grecs du RoiRobert Estienne en emporte un jeu complet à Genève.

En 1569, son fils Robert II, en récompense de son retour à Paris et son abjuration de la foi protestante, se voit confier à son tour la garde des matrices. Mais, la tourmente des guerres de Religion efface bientôt leur trace en France. En revanche, à Genève, Henri II, autre fils d’Estienne, lourdement endetté, engage les matrices en sa possession contre 400 écus d’or.

Louis XIII, préoccupé de restaurer l’autorité royale, s’intéresse personnellement au destin des types royaux. Ses envoyés négocient le rachat des matrices avec Paul Estienne, fils d’Henri II, mais la surenchère de l’ambassade d’Angleterre fait échouer une première négociation. Un arrêt royal du 27 mars 1619, à la demande du clergé de France, réclame solennellement le retour des matrices en France ; une lettre de Louis XIII au conseil de la République de Genève vient appuyer cette requête. Enfin récupérées, après diverses autres péripéties, les matrices grecques sont confiées à l’Imprimerie royale, après 1640.

La recherche des Grecs du Roi témoigne de la volonté régalienne de maîtrise absolue des vecteurs de l’information et du savoir.

C’est semble-t-il dans le même temps qu’a lieu la redécouverte de leurs poinçons originaux, oubliés dans une « layette» en bois conservée à la Chambre des comptes, qui rejoignent également l’Imprimerie royale. Cet étonnant épisode démontre l’importance que revêt le patrimoine typographique au temps de la monarchie, autant qu’il souligne le chaos qui résulte des guerres de Religion et l’ampleur du conflit latent entre catholiques et protestants qui se poursuit au XVIIe siècle.

La mise en œuvre du Romain du Roi sous Louis XIV est également une manière de restaurer l’autorité et la prééminence royale en la matière. La gravure d’un nouveau caractère grec accompagnant le Romain du Roi atteste de la volonté régalienne de maîtrise absolue des vecteurs de l’information et du savoir pour éviter, entre autres, que se renouvelle pareille mésaventure. Même si ses types sont éclipsés par le Romain du Roi, le nom de Garamond en sort renforcé ; celui de Robert Estienne, dénoncé maintes fois comme  « voleur des grecs », est durablement banni.