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- L’invention du Garamond
- Qui est l’inventeur du Garamond ?
De toute évidence, si les caractères gravés par Claude Garamont constituent d’éclatantes réussites sur le plan graphique, il n’est pas l’inventeur du style de lettres qui porte encore son nom.
Paradoxalement, le « Garamond » comme style graphique précède la carrière de Claude Garamont. En effet, dès 1530, Robert Estienne publie une édition des Orationes partitiones de Cicéron dans lequel apparaissent deux corps d’un caractère romain extrêmement moderne, dont la gravure est aujourd’hui attribuée à un mystérieux « Maître Constantin» cité par le Memorandum de Guillaume Le Bé (1643).
Ces deux polices, d’assez gros corps (un gros romain et un gros canon), reprennent la forme générale des caractères qu’Alde Manuce avait employés en 1495 pour l’impression du De Aetna de Pietro Bembo. Mais leur trait est beaucoup plus fin, le contraste entre pleins et déliés plus marqué.
C’est à la dynamique culturelle de toute une époque que l’on doit la réforme de la typographie.
Ces deux polices de caractères sont les premières à pouvoir être assimilées (rétrospectivement) au style « Garamond ». Cependant, ce n’est pas à Robert Estienne ou au mystérieux Maître Constantin qui n’a jamais été identifié que doit revenir le mérite d’avoir réformé la typographie française, mais à une époque toute entière, à une dynamique culturelle. À la fin des années 1520 et au début des années 1530, nombreux sont les imprimeurs-libraires à réfléchir à l’aspect graphique des ouvrages qu’ils publient.
Ce n’est pas un hasard si ce nouveau style de lettres romaines apparaît au moment où les humanistes abandonnent l’utilisation des caractères gothiques, et à peine un an après la publication par Geoffroy Tory d’un ouvrage entièrement consacré au dessin des caractères romains. Les lettres capitales reproduites sur les gravures du Champ Fleury appartiennent ainsi au nouveau style de caractères romains, dans lequel, par exemple, la capitale M possède un empattement au sommet de son jambage final. Tory sent également la nécessité d’affiner le trait des lettres employées en typographie, affirmant au sujet de l’italique d’Alde Manuce, qu’elle « est gracieuse pour ce qu’elle est maigre ».